Quand les habitants s’organisent

Quand les habitants s’organisent

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Mélanie LE BAS
Chargée De Projet Cohésion Sociale
aua/T

Cet article est issu d’un entretien avec des membres du collectif d’habitants « Silicon Deniers ». Ce collectif, créé il y a deux ans, réunit des habitants du quartier des Sept Deniers autour de valeurs communes comme l’autonomie, l’envie d’agir dans leur quartier et d’y faire vivre des formes de solidarité. Il favorise l’émergence de projets novateurs, portés par des habitants pour des habitants, dont le projet RéSOLa, plate-forme d’entraide locale.

Article issu d’un entretien avec des membres du collectif d’habitants « Silicon Deniers » : François Maurer, Bekhta Otmane Cherif, Yves Guérard de Latour, Marie-Line Bia, Corinne Fradin et Sophie Saint-Germes.

 

D ans le quartier des Sept Deniers, quartier populaire et familial du nord de Toulouse, un collectif d’habitants a décidé de se prendre en main pour développer du lien et de la solidarité. Son nom : « Silicon Deniers ». Ses fondateurs le définissent comme « un laboratoire d’ingéniosité collective ». L’origine repose sur la rencontre de trois habitants qui partagent une idée commune : « s’organiser quand on a besoin de quelque chose plutôt que d’attendre que la collectivité le fasse ». Un matin, une de leurs amies envoie à son réseau personnel un SMS pour demander si quelqu’un pouvait garder sa fille, Louise, la matinée. Elle reçoit quinze propositions. « Nous, on se connaît, on a de la chance, notre réseau d’entraide fonctionne. Mais d’autres n’ont pas cette chance et n’ont personne pour faire garder sa Louise au pied levé, notamment les femmes seules qui n’ont pas de réseau d’entraide. » L’idée était née.

Au début, ils imaginent naturellement un réseau Internet. Mais pour en avoir le cœur net, ils interrogent les habitants directement, porte-à-porte, sur la meilleure façon d’entrer en contact avec eux. À la Cité Madrid, une cité d’habitat social, 70 à 80 % des personnes rencontrées n’ont pas Internet. Par contre, toutes possèdent un portable et communiquent par SMS. L’idée se précise : ce n’est pas la technologie Internet qu’il faut utiliser mais celle des SMS. Le réseau sera alors réservé aux femmes pour pallier les craintes de donner son numéro de portable à des inconnus. François Maurer, l’un des fondateurs, suit un MOOC 1 sur la « Pensée Design » (Design thinking) ; il fait de cette idée son projet de formation. Il s’inspire du concept d’innovation Jugaad : faire plus avec moins, et tirer profit de la contrainte pour développer un outil basse technologie qui ne nécessite ni connexion à Internet ni téléchargement d’application : on envoie une demande via un SMS à une centrale qui le redistribue à toutes les adhérentes. Chacune peut alors répondre, par SMS, en proposant son aide. L’outil s’appelle RéSOLa pour « réseau d’entraide solidaire ». Aujourd’hui, c’est une centaine d’adhérentes qui échangent des services de toute nature (prêt de matériel et d’outils, échange de vêtements, covoiturage, déménagement…). Si cet échange de services est appréciable, RéSOLa permet surtout de créer du lien. Outre les mères de familles souvent monoparentales, ce sont les nouvelles arrivantes dans le quartier qui se sont le plus emparées du réseau pour aller à la rencontre de leurs voisins. D’ailleurs, une partie des adhérentes ne demande jamais de services mais propose les leurs dès que possible. Intégrer RéSOLa se fait par cooptation, afin de maintenir l’ancrage du réseau dans le voisinage et conserver l’objectif de lien. « Communiquer avec ses voisins, se reconnaître dans la rue et que ça débouche sur autre chose, peut-être… » Une idée de projet, une amitié…
« Le marché c’est le spot, le siège social, avoir des nouvelles des uns des autres, se donner des idées. » Les habitants s’y rencontrent, discutent au café qui est un stand du marché, développent des idées. Le collectif « Silicon Deniers » y a donné le jour à plusieurs projets : un atelier de réparation de vélo, le « Café Bricol’ » (un Repair Café qui s’est monté grâce aux compétences en électronique d’une habitante et d’un habitant du quartier), un espace de gratuité (vide-greniers gratuit)…
Tous ces projets, ces idées ingénieuses du quotidien, se sont montés sans l’aide d’aucune institution, simplement grâce aux compétences sociales des uns, techniques des autres, à la bonne volonté et à l’engagement de tous, à l’envie de donner de l’humanité au quartier. Le collectif d’habitants, qui a souhaité rester sans structure particulière, a néanmoins été obligé de créer une association pour mettre en place son dernier-né : des composteurs collectifs gérés par l’association et installés par Toulouse Métropole dans le parc Job.
Même si les débuts ont été longs – il a fallu deux ans pour monter la première action RéSOLa, et toute l’énergie des trois fondateurs –, aujourd’hui le collectif est bien développé (avec quelque 250 habitants) et s’est implanté dans tous les secteurs des Sept Deniers (cité Madrid, maisons individuelles, résidences Job…). De nouveaux projets sont constamment en réflexion, et peut-être que, d’ici peu, un atelier de fabrication de produits de beauté bio faits maison et un espace de gratuité spécial enfants et ados verront le jour. Pour RéSOLa, une prochaine étape doit être franchie : la mise en mode de gestion collaborative de son application, avant de pouvoir répondre aux sollicitations d’autres territoires, groupes ou collectifs.

 

  1. MOOC : Massive Open Online Course, ou, en français, Formation en Ligne Ouverte à Tous (FLOT).

© Résola

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Page facebook de Silicon Deniers : www.facebook.com/SiliconDeniers

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